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  La « flat tax » de Macron ne fera pas que des heureux

Paul Feral Schuhl Le 20.08.2017 par Frédéric M.
Paul Féral-Schuhl est avocat au Barreau de Paris (https://pfs-avocat.fr/).
Il intervient en conseil et en contentieux dans l’ensemble des domaines du droit fiscal pour une clientèle principalement composée d’entrepreneurs, de particuliers et de PME.


Avec la suppression, ou plutôt la redéfinition, de l'impôt sur la fortune, l'instauration de la flat tax devrait être l'autre grande réforme fiscale du début de quinquennat d'Emmanuel Macron.

Annoncée pour le 1er janvier 2018, cette flat tax consisterait à imposer les revenus de capitaux mobiliers (plus- values, intérêts, dividendes) à un prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux de 30% (prélèvements sociaux inclus). Il s'agirait donc d'une véritable rupture avec le système actuel qui soumet, lui, ces revenus à un impôt progressif. En effet, les revenus de capitaux mobiliers sont actuellement imposés au barème progressif de l'impôt sur le revenu, aux prélèvements sociaux et, le cas échéant, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, c'est à dire à des taux d'imposition compris entre 23,75% et 62%1 compte tenu de l'application, sous conditions, d'abattements fixes ou d'abattements pour durée de détention.

Cette flat tax, qui aurait donc a priori le mérite de la simplicité, ne ferait cependant pas que des gagnants. Certaines questions sur ses modalités d'application restent par ailleurs en suspens.

Les plus-values : une opportunité à saisir avant le 31 décembre 2017 ?

Les plus-values bénéficient aujourd'hui, pour le calcul de l'impôt sur le revenu2, d'abattements pour durée de
détention avec deux régimes qui coexistent : un régime de droit commun dans lequel l'abattement pour durée de détention peut atteindre 65% après 8 années de détention (correspondant à un taux effectif d'imposition de 32,75%) et un régime « de faveur » dans lequel l'abattement pour durée de détention peut atteindre 85% après 8 années de détention (correspondant à un taux effectif d'imposition de 23,75%)3 :

regime faveur

Le régime de droit commun s'applique par défaut. Le régime de faveur s'applique, lui, aux cessions « intrafamiliales », aux cessions de sociétés de moins de 10 ans (cette condition s'appréciant à la date de souscription ou d'acquisition des titres cédés) et aux dirigeants partant à la retraite, ces derniers bénéficiant, en outre, d'un abattement fixe de 500.000€ sur le montant de la plus-value.

On le voit, le taux de 30% du PFU devrait être plus favorable que le système actuel dans la majorité des cas. Mais les cédants éligibles au régime de faveur qui détiennent leurs titres depuis plus de 8 ans devraient être les perdants de la réforme avec un taux d'imposition qui passerait de 23,75% maximum à 30%. Le coût fiscal devrait être plus important encore pour les dirigeants partant à la retraite réalisant des plus-values inférieures à 500.000€ dont le taux d'imposition passerait de 19,5% maximum4 à 30%.

Si des négociations sont en cours, certains cédants éligibles au régime de faveur pourraient donc avoir un réel avantage à céder leur entreprise avant le 31 décembre 2017 afin de profiter de la fiscalité ultra compétitive dont ils bénéficient aujourd'hui. A moins que la future loi ne leur permette de d'appliquer, à titre dérogatoire, le régime fiscal actuellement en vigueur si celui-ci leur est plus favorable...

PEA et Livre A : Statut quo en perspective...

Si l'on en croit les annonces faites par Edouard Philippe, le livret A et le PEA devraient continuer à bénéficier de leur régime fiscal de faveur.

On rappelle en effet que les intérêts générés par les livrets A sont totalement exonérés d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux. Le PEA permet, lui, une exonération d'impôt sur le revenu à raison des plus-values et des dividendes générés au sein de cette enveloppe sous réserve qu'aucun retrait ne soit effectué avant le 5ème anniversaire du plan (seuls les prélèvements sociaux restent dus).

L'assurance-vie : deux poids trois mesures ?

Rien ne devrait changer pour les versements effectués sur des contrats d'assurance-vie avant l'entrée en vigueur de la réforme. Pour rappel, les gains sont imposés lors du rachat, au choix du contribuable, au barème de l'impôt sur le revenu ou à un prélèvement forfaitaire libératoire de 35% (retrait avant 4 ans), 15% (retrait entre 4 et 8 ans) ou 7,5% (retrait après 8 ans). Cumulé aux prélèvements sociaux (15,5%), il en ressort des taux d'imposition de 50,5%, 30,5% ou 23% qui traduisent une forte incitation à la détention longue des avoirs placés en assurance- vie.

S'agissant des versements effectués postérieurement à la réforme, les contrats d'une valeur inférieure à 150.000€ devraient bénéficier du même régime fiscal que celui actuellement en vigueur. En revanche, les gains réalisés sur des contrats d'une valeur supérieure à 150.000€ devraient entrer dans le champ d'application de la flat tax et subir une imposition de 30%. Si la réforme sera quasiment neutre pour les rachats effectués entre 4 et 8 ans (imposés à 30,5%), les retraits réalisés après 8 ans seront davantage taxés (+7%) tandis que les rachats effectués avant 4 ans bénéficieront d'une baisse significative de la fiscalité (-20,5%), favorisant ainsi, contrairement à la philosophie actuellement en vigueur, la détention de ces avoirs à court terme.

Plusieurs questions resteront néanmoins à trancher et feront probablement l'objet de nombreux amendements lors des débats parlementaires : comment s'appréciera le seuil de 150.000€, par contrat ou par contribuable ? En cas de franchissement du seuil de 150.000€, la flat tax s'appliquera-t-elle à la fraction excédant ce seuil ou à l'intégralité du contrat ? Quelle fiscalité s'appliquera aux contrats qui auront été alimentés à la fois avant et après la réforme ? Etc.

A coup sûr, le projet de loi de finances pour 2018 présenté à l'automne fera l'objet d'une attention particulière des épargnants, des entrepreneurs et des compagnies d'assurance.

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1 Taux intégrant une part de CSG déductible.
2 Ces abattements ne jouent pas pour le calcul des prélèvements sociaux et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.
3 Taux intégrant une part de CSG déductible.
4 Correspondant aux prélèvements sociaux (15,5%) et à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (4%) pour lesquels les abattements ne s'appliquent pas.


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